“Gian Losinger
Sébastien Mettraux
Holly Mills
Denis Roueche
Cosimo Terlizzi”












Couchée à plat ventre sur la roche chaude, je laissais pendre mon bras sur le côté, caressant de la main les contours arrondis de la pierre bouillante sous le soleil, les ondulations lisses. Le rocher brûlant offrait un tel confort, rude et chaud, qu’on aurait dit un corps humain. La chaleur intense me brûlait à travers le tissu de mon maillot de bain, et irradiait tout mon corps ; mes seins, contre la pierre dure et plate, me faisaient mal. Il soufflait un vent moite et salé qui détrempait mes cheveux – à travers leur masse brillante, j’apercevais le scintillement bleu de l’océan. Le soleil s’infiltrait par chaque pore, comblait chacune des fibres douloureuses de mon corps, pour me plonger dans une quiétude dorée, rayonnante. Je m’étirais sur le rocher, corps tendu, puis relâché, sur cet autel ; j’avais l’impression d’être délicieusement violée par le soleil, remplie de chaleur intense par le dieu impersonnel et colossal de la nature. Sous moi, le corps de mon amant était chaud et pervers, la sensation de sa chair sculptée à nulle autre pareille ; ni douce ni malléable, ni trempée de sueur, mais sèche et dure, lisse, propre et pure. Et moi, noble, d’une blancheur d’ossements, j’avais été rejetée par l’océan, une fois lavée, baptisée et lustrée, entièrement asséchée par le soleil. Le corps de mon amant était comme les algues, tranchant, cassant, à l’odeur puissante ; comme la pierre, il était net et arrondi, incurvé, ovale ; comme le vent, âcre et salé – le corps de mon amant était ainsi. C’était un sacrifice orgiaque sur un autel de pierre et de soleil, et je me suis relevée luisante de siècles d’amour, purifiée et rassasiée par le feu dévorant de son désir fortuit et intemporel...
- Extrait du Journal de Sylvia Plath, 1951
Elle s’insinue dans les courbes d’un corps, dans le frémissement d’une feuille, dans la chaleur d’un souffle. L’ombre glissante sur une peau ensoleillée, un fruit à peine croqué, témoin d’une envie à moitié assouvie, une bougie qui se consume, la sensation de l’herbe, du sable sous les pieds, l’odeur enivrante : autant de gestes, d’images, de sensations qui disent sans dire, suggèrent sans imposer. Autant de formes que de sensualités.
Le désir est là, dans l’attente, dans l’inachevé, dans la possibilité. Il éveille, titille, attise. Départ de toute attraction, toute volonté. Il crée l’assouvissement, l’attente, la frustration, l’envie ou la manque. Il est doux et tranquille parfois, il peut être puissant, animal, impétueux d’autres fois. Il est moteur de création autant qu’il peut devenir frein, obstacle à franchir ou feu à dompter.
Les sens, en alerte, se réveillent. L’artiste crée de ses mains, touche, fabrique, caresse. Ils et elles modèlent la matière, comme on effleure une peau. Les courbes deviennent langages, les volumes murmurent. La vision se trouble : le tissu devient un lit, la feuille une caresse, l’eau une étreinte, le soleil une exaltation. L’artiste voit, perçoit les plis et replis, les gestes, les couches, les formes qui se reforment. L’artiste goûte, croque. Le reste d’une poire, le reste d’une morsure, laissent place à l’imaginaire. Gourmand·es, de la palette, des formes, ils et elles offrent une explosion de saveurs. L’artiste sent, hume, s’immerge. En effleurant son oeuvre, le public déclenche l’immersion et l’ouverture des sens.
Ce sont ces sensations que nous font vivre les œuvres des artistes présenté·es. Gian Losinger nous offre des portraits remplis de gestes subtils et évocateurs. Quelque chose qui s’est passé ou qui se passera, juste une suggestion, rien de frontal. Une ombre, une caresse, le reste d’un fruit tout au plus. Le mouvement des corps, traversés de sensualités, rappelle celui du paysage. Imaginés par Holly Mills, les paysages mêlent perceptions, sensations, souvenirs et constructions mentales. Oeuvrant dans les limites entre l’expérience et la réaction à la sensation, elle donne à voir d’étranges paysages formés de corps, de pieds, de troncs, suggérant une narration mystérieuse. Les tableaux de Sébastien Mettraux donnent à voir une végétation luxuriante et exotique, où oiseaux de paradis et heliconia semblent appeler par leur beauté effrontée à une danse sensuelle de la nature. Cosimo Terlizzi filme son jardin botanique, le jardin de Lamia Santolina, fruit de huit années de recherches et de travail. Quatre saisons, quatre tableaux. Il se penche au plus près de la faune et de la flore de ce jardin : le chant des oiseaux, le bourdonnement des insectes, le vent, le pistil, l’aile, la langue. L’artiste cherche à traduire un langage mystérieux, une vérité. Alors que les saisons se succèdent avec exactitude, Terlizzi retient l’incertitude, la fugacité de l’instant, de la sensation, de la vie que forme cet écosystème. Denis Roueche explore avec malice et humour notre rapport au désir et à la sensualité au travers de différentes installations : la mesure du désir qui se consume à proprement parler, la caresse qui produit une réaction, le signe évocateur. Il joue avec toutes ces formes et vient titiller les sens de son public.
Cette exposition invite à une balade des sensations. À travers leurs gestes, leurs matières, leurs regards, ces artistes nous invitent à ralentir, à ressentir, à nous laisser traverser. Ce qui est donné à voir, à entendre, à sentir, n’est jamais frontal : il y a toujours un murmure, une respiration, une suggestion. Une invitation à l’expérience, à la contemplation. Entre l’attente et l’élan, la caresse et l’absence, s’ouvre l’espace de l’imaginaire.
Là où le regard se trouble, où les sens s’aiguisent, où les formes deviennent langage intime. Là où l’art devient territoire de désir.
Vernissage exceptionnellement le mercredi 30 avril 2025
Mercredi 30.04.2025, de 18h à 20h - Vernissage
Mercredi 14.05.2025, à 18h - Visite guidée de l’exposition en partenariat avec la Société des Amis des Arts
Pour télécharger le dossier de presse : ici
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It insinuates itself into the curves of a body, the trembling of a leaf, the warmth of a breath. The shadow gliding over sun-kissed skin, a fruit barely bitten—witness to a half-satisfied craving—a candle burning down, the feeling of grass or sand underfoot, the intoxicating scent: so many gestures, images, sensations that speak without speaking, suggest without imposing. As many forms as there are sensualities.
Desire is there—in waiting, in the unfinished, in possibility. It awakens, teases, stirs. It is the origin of all attraction, all will. It gives rise to fulfillment, anticipation, frustration, longing or lack. Sometimes soft and quiet, sometimes powerful, raw, impetuous. It drives creation as much as it can become a brake, an obstacle to overcome, a fire to tame.
The senses, on alert, awaken. The artist creates with their hands—touches, shapes, caresses. They mold material as one would graze skin. Curves become language, volumes whisper. Vision blurs: fabric becomes a bed, a leaf a caress, water an embrace, sunlight an exaltation. The artist sees, perceives the folds and creases, the gestures, the layers, the reshaped forms. The artist tastes, bites. The remains of a pear, the trace of a bite, give way to imagination. Greedy for palette, for form, they offer an explosion of flavor. The artist smells, inhales, immerses. In brushing against the artwork, the audience sparks immersion and opens the senses.
These are the sensations evoked by the works of the featured artists. Gian Losinger offers portraits filled with subtle, evocative gestures. Something that happened, or is about to happen—just a suggestion, nothing overt. A shadow, a caress, the remnants of a fruit, at most. The movement of bodies, traversed by sensualities, echoes that of the landscape. Imagined by Holly Mills, the landscapes blend perception, sensation, memory, and mental construction. Working at the threshold between experience and sensory reaction, she reveals strange landscapes made of bodies, feet, trunks—suggesting a mysterious narrative. Sébastien Mettraux’s paintings reveal lush, exotic vegetation, where birds of paradise and heliconias seem to beckon with brazen beauty toward a sensual dance of nature. Cosimo Terlizzi films his botanical garden, the Lamia Santolina garden, the fruit of eight years of research and labor. Four seasons, four tableaux. He draws close to the flora and fauna of the garden: birdsong, the hum of insects, the wind, the pistil, the wing, the tongue. The artist seeks to translate a mysterious language, a truth. As the seasons follow with precision, Terlizzi captures uncertainty, the fleetingness of the moment, of the sensation, of the life that forms this ecosystem. Denis Roueche explores with mischief and humor our relationship to desire and sensuality through various installations: the measurement of desire that literally burns away, the caress that triggers a response, the evocative symbol. He plays with all these forms, teasing his audience’s senses.
This exhibition invites a stroll through sensations. Through their gestures, materials, and perspectives, these artists invite us to slow down, to feel, to let ourselves be moved. What is shown, heard, smelled, is never frontal—there is always a whisper, a breath, a suggestion. An invitation to experience, to contemplation. Between anticipation and impulse, caress and absence, opens the space of imagination.
Where the gaze blurs, where the senses sharpen, where forms become an intimate language.
Where art becomes the territory of desire.
Exceptional opening on Wednesday, April 30, 2025
Wednesday, April 30, 2025, 6-8pm - Opening
Wednesday, May 14, 2025, 6pm - Guided tour of the exhibition in partnership with the Société des Amis des Arts.
To download the press kit : here
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