…
«Tu as laissé glisser sur moi.
l’amitié d’un rayon de lune.
Et tu m’as souri doucement,
Plage au matin éclose en galets blancs.
Elle règne sur mon souvenir, ta peau olive
Où Soleil et Terre se fiancent.
Et ta démarche mélodie (…) »
Léopold Sédar Senghor, To a dark girl, Poèmes perdus, 1990
Le silence règne dans les dessins et peintures de Robin Wen. Pourtant, l’artiste puise une grande partie de ses inspirations, motifs et modèles dans l’univers bruyant des free-party. Si au départ, il en a une approche documentaire, prenant des photographies et croquis des teufeurs qu’il y côtoie, progressivement, l’artiste nourrit une réflexion plus intime et poétique sur ses réalités, ses codes et ses territoires. Dans ses œuvres, la musique s’intériorise : elle devient le battement de cœur qui donne vie à ces fêtards, elle est l’onde qui fait virevolter le drapé d’une chemise, l’oscillation qui plisse un tee-shirt, la vibration qui lie et entremêle ces corps dessinés. Armé de ses stylos bic, Robin Wen répète, inlassablement, certains motifs ou certaines compositions, à la manière d’une boucle électro qui rejoue le rythme et nous fait glisser dans une forme de transe. Ainsi le motif de la teufeuse ou du teufeur de dos, dessiné en bleu, le cou tendu vers un horizon qui ne nous est pas accessible, est une note récurrente dans le corpus d’œuvre de l’artiste. Cette répétition, si spécifique au travail de Robin Wen, nous positionne -nous spectateurs et spectatrices -hors du temps. Cette itération de motifs, de personne, fige le temps : rien ne permet de dater les moments dont Robin Wen s’inspire pour créer. Sont-ce des free party des années 80 ? Ou ont-elles eu lieu hier ? Certaines compositions apparaissent même comme des scènes de genre du XIXe siècle. Et la question suivante de se poser : quel âge ont ces modèles aujourd’hui ?
Comme un refrain, de tels allers-retours participent à créer la musicalité de l’œuvre de Robin Wen qui, malgré l’apparent silence du médium dont il use, parvient à nous en faire ressentir les plus infimes vibrations.
Les œuvres de Robin Wen sondent aussi les environnements : architectures, objets ou souvenirs parcellaires de morceaux de paysages que l’on peut voir en free-party, l’artiste dresse une sorte de cartographie de cet univers où l’on s’arrête de danser quand le soleil se lève. La lumière, d’ailleurs, est particulièrement présente dans le travail de l’artiste. Et pour cause, le monde des free party a un rapport presque interdépendant à celle-ci : il y a la lumière du petit matin qui indique que la fête touche à sa fin -pour certain.es-, celle des faisceaux, celle de la lampe torche des téléphones portables, allumée pour pouvoir se repérer sur un chemin… Toutes ces zones de lumière sont particulièrement propices à la théâtralité, Robin Wen l’a bien compris avec ses vues de champs et paysages, ses portraits et ses compositions, ses néons et ses abris incertains.
Quête de lumière, quête de rythme, quête de vibration, la démarche de Robin Wen permet de vérifier au moins une affirmation : la musique est bien un cri qui vient de l’intérieur.
Exposition du 05.12.2024 au 18.01.2025
Vernissage : Jeudi 05 décembre 2024 à partir de 17h
Télécharger le dossier d’exposition : ici
Playlist de l’exposition : ici