Galerie C
Neuchâtel
Paris
Annabelle,2020,Crayon de couleurs sur bois,16,5x19,5cm.jpg

Solène Rigou

 

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« Je ne vois pas la différence entre une poignée de main et un poème »

Paul Celan

Solène Rigou n’invente rien. C’est elle qui le dit. Cette ancienne élève des Beaux-Arts de Paris qui a fait ses gammes dans les ateliers de Jean-Michel Alberola puis de Stéphane Calais jusqu’en 2020 scrute tout, ausculte les moindres détails et les enferme discrètement dans l’appareil photo de son téléphone. Ces clichés, elle en a des centaines : on y trouve quelques objets et des mains, des mains partout. Des mains au repos après avoir coupé une pomme, d’autres qui tiennent un verre de vin rouge, jouent de la trompette ou sont posées nonchalamment sur un jean fleuri. Un brin obsessionnelle, l’artiste travaille ce sujet depuis plus de quatre ans. « Dessiner les mains c’est dépeindre profondément l’humain », explique la lauréate du 2ème prix du dessin Pierre David-Weill 2022. Pour elle, passer par les mains est une sorte de détour : c’est plus anonyme qu’un portrait classique qui représente un visage, moins intrusif et n’impose pas une expérience ou une présence à celui ou celle qui les regarde. Chacun peut y voir son propre vécu, peut les rattacher à un souvenir, un moment qui lui appartient. 

Car, en effet, l’expérience du toucher, ne la partageons nous pas tou.te.s ? Dans la veine de la pensée de Merleau-Ponty l’on pourrait voir une démonstration dans les œuvres de Solène Rigou : celle du rôle décisif du toucher qui « donne une amarre à la pensée, nous pare contre la tentation d’une pensée de survol »[1]. Toucher n’est-ce pas aussi revenir à soi-même ? Au sentiment, « par la présence des choses, de leur réalité à travers leur pesanteur » ? Anonymes pour la plupart des observateur.ice.s, les mains dessinées par Solène Rigou sont profondément ancrées dans le monde et ce qu’elles touchent nous touche, nous interroge, nous renvoie à notre expérience des choses, des objets et de l’Humain. L’impression d’instantané qui se dégage des travaux de la jeune artiste est cependant paradoxale. Le sujet de prédilection de Solène Rigou est un médicament qui lui permet « de soigner la nostalgie d’un moment passé ». Il lui permet de re-créer un moment vécu et travailler de longues heures, pendant plusieurs jours à partir des photographies d’instants terminés donnerait un cadre à l’artiste : très attachée aux objets et aux souvenirs, Solène Rigou se laisse facilement déborder par cette appétence. Mais poncer une planche de bois et y révéler l’image désirée couche par couche, aux crayons de couleurs, permet à la jeune artiste de tant se replonger dans le souvenir qu’elle finit par s’en sevrer. De formats divers –souvent petits –les œuvres deviennent elles aussi… des choses : « il y a toujours une notion de support dans mon travail, explique-t-elle. J’aime l’idée que je fabrique un objet solide que je peux attraper ». Attraper les souvenirs, même ceux que l’on n’a pas vécu, ceux dont on ne se rappelle plus : parfois l’artiste s’attaque à ces vécus plus lointains, ceux de ses grands-parents, qu’elle retrouve en farfouillant dans ses photos de famille. Ses œuvres sont des jeux de piste sur bois. Des jeux de pistes en couleurs ou en noir et blanc, toujours au crayon. Des jeux de pistes qui nous mènent à une certitude : celle de l’intelligence de sa main. 

Née en 1996, Solène Rigou vit et travaille à Paris. Elle a étudié les arts plastiques à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris dans les ateliers de Jean-Michel Alberola (2015-2018) et Stéphane Calais (2018-2020).

En 2019, elle a été lauréate du Prix du Dessin Contemporain des Beaux-Arts de Paris et remporte, en 2022, le 2ème Prix de dessin Pierre-David Weill. L’artiste a également participé à plusieurs expositions collectives à Paris aux Beaux-Arts (2019), à la Villa Belleville (2019), à La Fab. (2020), ainsi qu’au sein de plusieurs galeries d’art parisiennes (2019-2021). Ses œuvres font par ailleurs partie des collections suivantes : Beaux-Arts de Paris, Agnès b, Bellier.

[1] Jérôme de Gramont, La phénoménologie à l’épreuve de la prière. Le nom de Dieu, et peut-être plus, Paru dans Alter, 28 | 2020

Texte par : Marine Vazzoler

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« I don't see a difference between a handshake and a poem

Paul Celan

Solène Rigou does not invent anything. It is she who says it. A former student of the Beaux-Arts de Paris who studied in the studios of Jean-Michel Alberola and then Stéphane Calais until 2020, she examines everything, scrutinizes the smallest details and discreetly locks them up in the camera of her phone. She has hundreds of these pictures: there are a few objects and hands, hands everywhere. Hands at rest after cutting an apple, others holding a glass of red wine, playing the trumpet or resting nonchalantly on a pair of flowery jeans. A bit obsessive, the artist has been working on this subject for over four years. "To draw hands is to deeply depict the human being", explains the winner of the 2nd Pierre David-Weill Drawing Prize 2022. For the artist, drawing through the hands is a kind of detour: it is more anonymous than a classic portrait that represents a face, less intrusive and does not impose an experience or a presence on the viewer. Each person can see his or her own experience in them, can relate them to a memory, a moment that belongs to them.

After all, don't we all share the experience of touch? In the vein of Merleau-Ponty's thought, one could see a demonstration in Solène Rigou's works: that of the decisive role of touch which "gives a mooring to thought, protects us against the temptation of a flying thought"[1]. Isn't touching also coming back to oneself? To the feeling, "by the presence of things, of their reality through their weight"? Anonymous for most of the observers, the hands drawn by Solène Rigou are profoundly anchored in the world and what they touch touches us, interrogates us, sends us back to our experience of things, of objects and of the Human. The impression of immediacy that emerges from the work of the young artist is however paradoxical. Solène Rigou's favorite subject is a medicine that allows her "to cure the nostalgia of a past moment". It allows her to re-create a moment lived and to work long hours, during several days from the photographs of finished moments would give a framework to the artist: very attached to the objects and the memories, Solène Rigou is easily overflowed by this appetence. But sanding a wooden board and revealing the desired image layer by layer, with colored pencils, allows the young artist to immerse herself in the memory so much that she ends up weaning herself off it. Of various formats -often small- the works become also … things: "there is always a notion of support in my work, she explains. I like the idea that I am making a solid object that I can catch. To catch the memories, even those which one did not live, those of which one does not remember any more: sometimes the artist attacks these more remote lived, those of her grandparents, whom she finds by rummaging in her family photos. Her works are treasure hunts on wood. Games of tracks in color or in black and white, always in pencil. These games of chance lead us to a certainty: the intelligence of her hand.

Born in 1996, Solène Rigou lives and works in Paris. She studied visual arts at the École Nationale Supérieure des Beaux-Arts in Paris in the workshops of Jean-Michel Alberola (2015-2018) and Stéphane Calais (2018-2020).

The Parisian artist approaches drawing through various techniques and media including colored pencil on wood and graphite on paper. In her work, Solène Rigou stages memory and remembrance, notably by bringing together objects that she collects. Like a pictorial autobiographical diary, she crystallizes moments of intimate life in order to celebrate them. In 2019, she was granted the Prix du Dessin Contemporain des Beaux-Arts de Paris and, in 2020, she was shortlisted for the Pierre-David Weill Drawing Prize.

The artist has also participated to several group exhibitions in Paris at the Beaux-Arts (2019), at the Villa Belleville (2019), at La Fab. (2020), as well as in several Parisian art galleries (2019-2021). His works are also part of the following collection: Beaux-Arts de Paris, Agnès b, Bellier.

[1] Jérôme de Gramont, La phénoménologie à l’épreuve de la prière. Le nom de Dieu, et peut-être plus, Published in Alter, 28 | 2020

Text by : Marine Vazzoler

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