Galerie C
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CookieTown 24.11.23-12.01.24

David Moses

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« Ne t’écris pas entre les mondes, Élève-toi contre la multiplicité des significations, Fie-toi à la trace des larmes et apprends à vivre. »

Ilse Aichinger, Donne moi le manteau, Martin…, Verschenkter Rat, 1978, p.60

Les aplats de couleurs se superposent : dans ce champ, la peinture, les transparences, les complémentarités et contrastes agissent de manière presque autonomes. L’abstraction, mouvante et vibrante, de la peinture de David Moses laisse aussi la place à des lignes, des aplats nets qui font se détacher des éléments figuratifs aisément reconnaissables : mains, yeux, visages… Le style de dessin de ces éléments peuple, sans que nous le sachions vraiment, notre imaginaire collectif et fait référence à l’univers des « Silly Symphonies », une série de cartoons réalisée et produite par les Studio Disney entre 1929 et 1939. 

Ces courts métrages -qui s’émancipent des héros habituels de la franchise tels que Mickey, Donald Duck, Pluto,… -étaient fondés sur les mythes et contes populaires de nos sociétés. Remanié à la sauce pop de l’époque, ces courts films d’animation s’affranchissaient d’une narration classique pour tendre davantage vers des fables musicales. Comme la danse, la musique, la poésie, ils ne se racontent que peu : ce n'est que rythmes, floraison de prodiges et tout un monde merveilleux qui ne vit que de gestes, de bonds joyeux et de fantaisies. C’est d’ailleurs un de ces films, « The Cookie Carnival », qui donne le titre de l’exposition. Datant de 1935, il met en scène un défilé de biscuits et de sucreries dans la fameuse « Cookie town ». Un titre accrocheur, simple mais pas enfantin pour autant : la référence au produit culturel que sont les « Silly Symphonies » de Disney est prégnant, identifiable rapidement et on lit, entre les lignes, une critique de ce produit pop culturel précoce dont certains spectateurs sont devenus accros et qui véhiculait souvent des valeurs morales discutables, comme autant de marqueurs historiques de nos sociétés occidentales. 

Chaque tableau de David Moses issu de la série « Silly Symphonie » est rattaché à un cartoon en particulier. Il y puise un répertoire formel, des personnages et une palette de couleur qui lui servent à composer ces œuvres à mi-chemin entre abstraction et figuration. En commençant par composer un arrière-plan abstrait, David Moses pose les bases de l’intrigue picturale dans laquelle il nous embarque. Cet arrière-plan, souvent composé à l’acrylique, joue en effet d’une superposition de couche pour créer un champ de peinture évoquant formes, ambiances et atmosphères qui peuvent déjà préfigurer l’action de la figuration qui viendra par la suite s’y ajouter. Il permet aussi à l’artiste de construire rapidement une première composition sur l’espace de la toile. De construire la scène, le décor dans lequel se jouera le reste. Puis, usant de pastels secs et d’acrylique, l’artiste dessine des fragments de personnages, des effets de mouvements -objets caractéristiques des péripéties de ces films mais aussi des effets graphiques de mouvements, de vitesse, d’action. Ce sont autant de caractères graphiques empruntés certes aux cartoons mais également dans l’histoire de la peinture aux futuristes (Boccioni, Balla, Carrà,…) ou à la peinture américaine des années 70 comme celle de Lee Lozano ou Philip Guston.

Ces « couches » dessinées dans les œuvres de David Moses sont l’expression, en plus de sa maitrise de coloriste, de son talent de dessinateur. C’est là que son geste se donne la liberté nécessaire à la représentation du mouvement et de la vitesse. La vitesse de l’animation et celle, vertigineuse, de nos existences. 

La virtuosité du travail de David Moses s’exprime dans ces jeux de superpositions, ces simultanéités. Et l’artiste le dit lui-même : « il est important que l'arrière-plan ou le film joue un rôle, mais il est essentiel que le résultat fonctionne de lui-même. Je veux créer des images qui submergent le spectateur - comme la vie de tous les jours peut le faire. » 

Et submergés, nous le sommes : regarder les œuvres de David Moses, c’est comme se balader dans une ville en observant les panneaux, les détails d’un mur, les vitrines d’une boutique, les publicités, les gens et les voitures... Regarder ses œuvres c’est attraper une multitude d’impressions en un seul instant. Ces impressions, il est impossible de les appréhender une à une immédiatement et elles participent, par là-même, au vertige que la tyrannie de la vitesse et du mouvement peuvent provoquer. Les œuvres de David Moses parlent aussi de l’accélération du monde par le prisme des images et des mass-médias. En utilisant les Silly Symphonie (1929-1939), apparues avec les prémices des médias de masse, dans ses œuvres, David Moses use tant le biais historique qu’iconographique de ces films. Ils ont été essentiels dans la diffusion et la création de récits, d’images populaires et iconographique : la représentation du mouvement est exacerbée dans ces court-métrages (défilés, automatisme, rythme, danses, musique) et David Moses y pioche un répertoire de formes pour représenter la simultanéité, le brouhaha, la vitesse, le désordre. Dans les toiles du peintre allemand, les détails sont aisément identifiables et compréhensibles mais lorsqu’ils se mélangent, l’image dans son ensemble devient illisible. Cette simultanéité des informations et des images, comme dans nos propres vies, nous fait nous interroger : peut-on être et vivre « ici », dans l’instant présent si, comme le disait Paul Virillo, « tout est maintenant » ?  La trame narrative des œuvres de David Moses semble infinie et nous donne à voir nos vies sous le prisme de l’accumulation de strates, des détails qui se confondent les uns avec les autres comme une grande mêlée cartoonesque. En injectant ce qu’il faut d’ironie et de figuration dans la grande inconnue qu’est l’existence, l’artiste nous projette dans un monde aussi narratif qu’un dessin animé et aussi vertigineux qu’un cosmos. Un lieu où tout s’accélère et où comme dans un cartoon, le crash semble inéluctable. 

Télécharger le dossier d’exposition :ici

Site de l’artiste: https://www.davidmoses.de/

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"Don't write yourself between worlds,

Rise up against the multiplicity of meanings, 

Trust in the trace of tears and learn to live."

Ilse Aichinger, Give me the coat, Martin..., Verschenkter Rat, 1978, p.60

The flat areas of colour are overlaid : in this field, paint, transparencies, complementarities and contrasts act almost autonomously. The moving, vibrant abstraction of David Moses's painting also gives way to lines and flat tints that make easily recognisable figurative elements stand out : hands, eyes, faces, etc. The style in which these elements are drawn, without us really knowing it, inhabits our collective imagination and refers to the world of the "Silly Symphonies", a series of cartoons produced by the Disney Studios between 1929 and 1939.

These short films - which broke away from the usual heroes of the franchise such as Mickey, Donald Duck, Pluto, etc. - were based on the myths and folk tales of our societies. Remastered in the pop style of the time, these short animated films moved away from a classical narrative and tended more towards musical fables. Like dance, music and poetry, they don't tell much about themselves: it's all rhythms, blossoming wonders and a whole wonderful world that lives on gestures, joyful leaps and fantasies. One of the films, The Cookie Carnival, gives the exhibition its title. Dating from 1935, it features a parade of biscuits and sweets in the famous "Cookie town". The title is catchy and simple, but not childish: the reference to Disney's "Silly Symphonies" as a cultural product is pervasive and quickly identifiable, and between the lines we read a critique of this early pop cultural product to which some viewers became addicted, and which often conveyed questionable moral values, like so many historical markers of our occidental societies.

Each painting in David Moses' 'Silly Symphony' series is linked to a particular cartoon. He draws on a formal repertoire, characters and colour palette that he uses to compose these works, which are halfway between abstraction and figuration. By starting with an abstract background, David Moses lays the foundations for the pictorial intrigue in which he takes us. This background, often composed in acrylics, plays on a succession of layers to create a field of paint evoking shapes, moods and atmospheres that can already prefigure the figurative action that will later be added. It also allows the artist to quickly construct an initial composition on the canvas. To build the scene, the décor in which the rest will play out. Then, using dry pastels and acrylics, the artist draws fragments of characters and movement effects - objects characteristic of the adventures in these films, but also graphic effects of movement, speed and action. These are graphic characters borrowed not only from cartoons, but also from the history of painting, from the Futurists (Boccioni, Balla, Carrà, etc.) and the American paintings of the 1970s, such as those by Lee Lozano and Philip Guston.

In addition to his mastery of colour, these 'layers' drawn in David Moses' work are an expression of his talent as a draughtsman. It is here that his gesture is given the freedom it needs to represent movement and speed. The speed of animation and the dizzying speed of our lives.

The virtuosity of David Moses's work is revealed in the interplay of superimpositions and simultaneity. As the artist himself says: "It's important that the background or the film plays a role, but it's essential that the result works on its own. I want to create images that overwhelm the viewer - just as everyday life can do.

And overwhelmed we are : looking at David Moses' work is like strolling through a city, observing the signs, the details of a wall, the shop windows, the advertisements, the people and the cars... Looking at his work is like catching a multitude of impressions in a single moment. These impressions are impossible to grasp one by one, and they all contribute to the vertigo that the tyranny of speed and movement can provoke. The works of David Moses also speak of the acceleration of the world through the prism of images and the mass media. By using the Silly Symphonies (1929-1939), which appeared with the beginnings of mass media, in his works, David Moses makes use of both the historical and iconographic bias of these films. The representation of movement is exacerbated in these short films (parades, automatism, rhythm, dances, music) and David Moses draws from them a repertoire of forms to represent simultaneity speed and disorder. In the German painter's paintings, the details are easily identifiable and understandable, but when they are mixed together, the image as a whole becomes illegible. This simultaneity of information and images, as in our own lives, makes us wonder: can we be and live 'here', in the present moment, if, as Paul Virillo said, 'everything is now'?  The narrative framework of David Moses's works seems infinite, giving us a view of our lives through the prism of an accumulation of layers, details that merge with each other like a cartoonish scrum. By injecting just the right amount of irony and figuration into the great unknown that is existence, the artist projects us into a world as narrative as a cartoon and as breathtaking as the cosmos. A place where everything accelerates and where, like in a cartoon, the crash seems inescapable.

Download the press release: soon

Artist’s website : https://www.davidmoses.de/

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