Galerie C
Neuchâtel
Paris
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Par désir, par hasard 25.01-24.02.24

Sosthène Baran

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« Le long plaisir pourtant de nos métamorphoses
Squelettes s'animant dans les murs pourrissants
Les rendez-vous donnés aux formes insensées
À la chair ingénieuse aux aveugles voyants »

Paul Éluard, Le dur désir de durer, 1946

Qu’ont en commun une chaise et un jeu d’échec ? Un aimant et une spatule ? L’art peut-il se faire par hasard ? Dans son œuvre iconique Les Chants de Maldoror, Lautréamont définissait, malgré lui, le surréalisme. Il serait ainsi « beau comme une rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ». Ce jeu de rencontres opère également dans les œuvres de Sosthène Baran : on le perçoit dans sa manière de procéder. En effet, l’artiste glane, associe et réactive des objets dans son travail pictural. En combinant ses peintures à des objets, en faisant de ses œuvres des objets et de ces objets des œuvres, l’artiste laisse sciemment l’inconscient -le sien, le nôtre -émerger. À partir d’un morceau de bois récupéré, enduit puis peint, Sosthène Baran représente une tête chapeautée. À première vue, la composition semble extraite du réel. Pourtant, certains éléments s’effacent : les yeux, la bouche disparaissent ou se dissipent dans le volume et la texture du bois prend le relais. Le chapeau devient un aplat blanc, voluptueux, presque mousseux, et fit d’ailleurs dire à un ami de l’artiste qu’il s’agissait là d’une pinte -une bière -, soit un objet qui appartient généralement aux scènes de genre dans la peinture. L’artiste joue de ce trouble jusque dans le titre de l’œuvre qu’il a appelé « la peinte », appuyant sur la confusion formelle qu’il a provoqué -et évoquant l’exercice même de la peinture. Dans ce titre, le pronom promulgue, en outre, l’objet au rang d’icône, et même de grand sujet de la peinture comme la madone ou le portement de croix. La « peinte » prend ainsi, sous la main de l’artiste, une tournure beaucoup moins cocasse, non ?

La tête est placée dans un espace architectural, une sorte d’éclaté à la manière de la peinture primitive italienne ou plus tardivement d’un surréalisme de Georgio Di Chirico qui, lui aussi, utilisait de tels espaces pour extraire le sujet du temps et de son usualité afin de le transposer dans la métaphysique, le sacré, le poétique. Se révélant, ces images créent des allers-retours entre le réel et l’imaginaire, façonnent des rencontres fortuites de paysages, de corps et d’objets : des hasards objectifs. En cela, le travail de Sosthène Baran à avoir avec la posture surréaliste. En effet, le tableau d’André Breton intitulé « Le Hasard Objectif » est le testament de cette manière de faire œuvre. Il s’agit, dans le cas de Breton, d’un objet en liège, trouvé et interprété par l’addition, de sa main, d’une amande suspendue. Cette œuvre symbolise la notion centrale du surréalisme soit le lien du merveilleux, du réel avec les forces de l’inconscient. La preuve de l’unité sensible, pleinement analogique de l’univers. L’œuvre de Sosthène Baran use de cette brèche vers l’imaginaire en employant, comme support de ses œuvres, des objets comportant déjà des caractéristiques intrinsèques particulières : par leurs formes, leur matière, par leur fonction (bouts de bois, tête de lit, chaises, pièces de meubles, poignées, …) et par leurs symboliques, ils sont les points de départ à son imaginaire peint. En y ajoutant des paysages, des couleurs, des silhouettes et des motifs –qu’il crée de manière presque automatique ou inconsciente -, l’artiste va et vient entre l’œil et l’esprit, entre la main et la poétique, entre l’objectif et le hasard. Ces correspondances, ces analogies (et c’est là le jeu de l’artiste) sont également provoquées par la technique, la méthode de ce dernier. Sosthène Baran s’est, en effet, formé aux techniques de la décoration et a transféré ce savoir dans ses œuvres. À la manière de peintres décorateurs, Sosthène fabrique ses propres outils, ses pinceaux, spatules et brosses afin de provoquer certains effets, de provoquer des accidents aussi, qui seront un point de départ pour un motif ou son aboutissement. Il fabrique des brosses taillées en forme de silhouettes, des raclettes et brosses multiples qui viendront strier et onduler ses couches picturales. Et quand il ne s’agit pas de scier, assembler ou percer objets et matières, l’artiste utilise de l’enduit créant des reliefs et des ombres naturelles sur la surface de ses œuvres et faisant basculer le tableau dans l’objet poétique, une « combine painting » si efficace pour l’imaginaire. Dans « La peinte » Sosthène ajoute au panneau principal, un morceau circulaire de bois peint. Dessus, un œil. Hors du cadre, il vient compléter, voire personnifier cette tête en bois tout en nous renvoyant à notre fonction de regardeur, symbolisme d’un acte voyeur et fantasmagorique.

Si notre regard est attiré par les œuvres de Sosthène Baran, c’est peut-être parce qu’elles sont peuplées d’horizons. Empreints de culture populaire, beaucoup de titres des œuvres de Sosthène font référence à la série télévisée X-files à la célèbre réplique « la vérité est ailleurs » et ode des années 90 au paranormal. À la lumière de cette référence, les horizons de Sosthène apparaissent comme de formidables décors pour représenter un ailleurs. Le goût de l’artiste pour le paranormal n’est pas non plus décorrélé de références classiques et liturgiques qui peuplent son travail. Dans un cas comme dans l’autre, il est souvent question d’apparitions, de croyants et de sceptiques et c’est là que réside l’une des forces de la peinture de Sosthène Baran : aborder par le banal et avec une certaine légèreté –voire une pointe d’humour –des sujets et des compositions à la force mystique certaine. Par le truchement du quotidien, les œuvres de l’artiste nous embarquent vers le sacré. Et de par sa posture habile située entre le scepticisme et la foi, Sosthène Baran permet à l’œuvre d’émerger d’elle-même. Le hasard de ses formes évoque des correspondances, des réminiscences, des figurations qui nous ballotent entre deux mondes : l’un réel et palpable, l’autre surréel et gazeux. Veut-il nous y conduire ou est-il le spectateur actif de ces coïncidences ? Et ces coïncidences, apparaissent-elles sur l’œuvre par désir ? Ou par hasard ? Les deux sont liés : si le hasard objectif est le précipité –ce qui rend palpable –du désir, les œuvres de Sosthène Baran, dans leur matérialité, sont elles aussi une véritable « physique de la poésie », une matière dans laquelle nous déposons volontairement, le temps d’un regard, nos pensées, nos rêves et nos espérances. Mehr Licht !

  

Télécharger le dossier d’exposition :ici

Site de l’artiste: http://sosthenebaran.fr

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"The long pleasure of our metamorphoses

Skeletons come to life in rotting walls

Appointments given to senseless forms

To ingenious flesh to blind seers".

Paul Éluard, Le dur désir de durer, 1946

What do a chair and a chess set have in common? A magnet and a spatula? Can art be made by chance? In his iconic work Les Chants de Maldoror, Lautréamont unwittingly defined surrealism. It is said to be "as beautiful as the fortuitous meeting of a sewing machine and an umbrella on a dissection table". This play of encounters also operates in Sosthène Baran's work, as can be seen in the way he proceeds. The artist gleans, combines and reactivates objects in his pictorial work. By combining his paintings with objects, by turning his works into objects and these objects into works, the artist consciously allows the unconscious - his own, ours - to emerge. Using a piece of wood that has been salvaged, plastered and then painted, Sosthène Baran depicts a hooded head. At first glance, the composition seems to have been extracted from reality. However, some elements disappear: the eyes and mouth disappear or dissipate into the volume, and the texture of the wood takes over. The hat becomes a white, voluptuous, almost frothy flatness, which prompted one of the artist's friends to say that it was a pint - a beer - an object that generally belongs in genre scenes in painting. The hat becomes a white, voluptuous, almost frothy flatness, which prompted one of the artist's friends to say that it was a pint - a beer - an object that generally belongs in genre scenes in painting. The artist plays on this confusion right down to the title of the work, which he has called "la peinte", emphasising the formal confusion it has provoked - and evoking the very exercise of painting. In this title, the pronoun also elevates the object to the rank of icon, and even to the rank of the great subject of painting, like the Madonna or the Carrying of the Cross. Under the artist's hand, 'la peinte' takes on a much less comical aspect, doesn't it?

The head is placed in an architectural space, a kind of exploded image in the manner of primitive Italian painting or, later, the surrealism of Georgio Di Chirico, who also used such spaces to extract the subject from time and its ordinariness in order to transpose it into the metaphysical, the sacred and the poetic. By revealing themselves, these images create a back-and-forth between the real and the imaginary, shaping fortuitous encounters between landscapes, bodies and objects: objective coincidences. In this, Sosthène Baran's work has something to do with the surrealist posture. Indeed, André Breton's painting 'Le Hasard Objectif' (Objective Chance) is the testament to this way of making art. In Breton's case, it is a cork object, found and interpreted by the addition, in his hand, of a hanging almond. This work symbolises the central notion of Surrealism: the link between the marvellous, the real and the forces of the unconscious. Proof of the sensitive, fully analogical unity of the universe. Sosthène Baran's work makes use of this breach towards the imaginary by using objects with specific intrinsic characteristics as the support for his works: their shapes, their materials, their functions (pieces of wood, headboards, chairs, pieces of furniture, handles, etc.) and their symbolism are the starting points for his painted imagination. By adding landscapes, colours, silhouettes and motifs - which he creates almost automatically or unconsciously - the artist moves back and forth between the eye and the mind, between the hand and the poetic, between the objective and chance. These correspondences and analogies (and this is the artist's game) are also created by his technique and method. Sosthène Baran has trained in the techniques of decoration and has transferred this knowledge to his work. In the manner of decorative painters, Sosthène makes his own tools, brushes, spatulas and brushes in order to provoke certain effects, also to provoke accidents, which will be a starting point for a motif or its culmination. He makes brushes in the shape of silhouettes, squeegees and multiple brushes that will streak and undulate his pictorial layers.And when he's not sawing, assembling or piercing objects and materials, the artist uses plaster to create reliefs and natural shadows on the surface of his works, turning the painting into a poetic object, a "combine painting" that is so effective for the imagination. In "La peinte", Sosthène adds a circular piece of painted wood to the main panel. On top, an eye. Outside the frame, it completes and even personifies this wooden head, while at the same time reminding us of our role as viewer, symbolising a voyeuristic and phantasmagorical act.

If our vision is drawn to the works of Sosthène Baran, it is perhaps because they are populated by horizons. Steeped in popular culture, many of the titles of Sosthène's works make reference to the television series X-files, with its famous line "the truth is out there" and its 90s ode to the paranormal. In the light of this reference, Sosthène's horizons appear to be formidable backdrops for representing an elsewhere. His taste for the paranormal is not divorced from the classical and liturgical references that populate his work. In both cases, the subject is often one of apparitions, believers and sceptics, and it is here that one of the strengths of Sosthène Baran's painting lies: using the banal and with a certain lightness - even a touch of humour - to tackle subjects and compositions with a definite mystical force. Through the medium of the everyday, the artist's works take us on a journey towards the sacred. Sosthène Baran's skilful position between scepticism and faith allows the work to emerge on its own.The hasard of his forms evokes correspondences, reminiscences and figurations that move us between two worlds: one real and palpable, the other surreal and gaseous. Does he want to lead us there, or is he the active spectator of these coincidences? And do these coincidences appear in the work out of desire? Or by chance? The two are linked: if objective chance is the precipitate - what makes it palpable - of desire, then Sosthène Baran's works, in their materiality, are also a veritable "physics of poetry", a material into which we voluntarily deposit our thoughts, dreams and hopes, for the time of a glance. Mehr Licht!

Download the press release: soon

Artist’s website : http://sosthenebaran.fr/

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