Intitulée « Effacement(s) », la nouvelle exposition de la Galerie C réunit quatre artistes suisses - Luc Andrié, Xavier Bauer, Mingjun Luo, Michael Rampa - et un artiste français, Jérémie Bennequin.
Le geste de l’effacement se revêt de paradoxes, et aujourd’hui encore, il se traduit à tort de façon négative: il comporte les symptômes d’un drame, l’idée d’une erreur qui doit être recouverte. Cette agressivité perçue dans le geste révèle pour certains l’effacement de l’autre pour survivre: le regardeur est confronté à un acte iconoclaste qui l’embarrasse.
Or, il convient de délester ce geste de l’autorité destructrice qui lui est conférée afin de percevoir que l’effacement n’est qu’un passage, une transition: que la disparition fait partie du visible, qu’il s’agit de « faire advenir la lueur nécessaire par laquelle le sujet traité trouvera sa vérité ». (1) Il est fondamental de concéder au geste une valeur créatrice et de saisir la dimension scripturale dont il se pare.
L’effacement est également une attitude de résistance à la tyrannie (2) du visuel dont nous subissons l’hégémonie: dissimuler afin de mieux rendre visible, soustraire aux regards dans l’objectif de neutraliser le flot constant d’images, afin de ressusciter la compréhension de ce que nous percevons.
C’est la posture adoptée par Luc Andrié dont les peintures imposent un effort d’observation, nous invitant à prendre le temps de regarder: geste d’effacement, la saturation « consiste à brouiller l’appréhension normale du tableau ». (3)
Suspendues entre leur apparition et leur disparition, les images de Xavier Bauer sont maintenues dans un état précaire et vacillant, dans une sorte de tremblement du visible et de l’effacement.
La démarche artistique de Jérémie Bennequin se développe autour des notions de mémoire et d’effacement, tant sur le plan du processus qu’au niveau des traces qui en résultent. Souvent, la littérature et les mots constituent son matériau privilégié.
Intimistes, les oeuvres de Mingjun Luo se révèlent en transparence, dans une douce clarté, incitant le regard à pénétrer les réminiscences du passé. L’image, comme une tâche de mémoire - qui afflue, qui reflue - laisse, dans son apparition-effacement « quelque chose comme la traîne d’une question (…) ou d’un désir ». (4)
La fragilité de la rémanence et son inconsistance sont au coeur du travail de Michael Rampa qui initialement semble précis, puis s’évanouit, se dilue et s’efface afin de laisser place aux vides.
«Effacement(s)» est une invitation de la Galerie C à appréhender notre rapport entre mémoire et désir au travers du geste de dissolution, dont la qualité intrinsèque de création est entendue.
Le vernissage a lieu le jeudi 15 novembre de 18h à 20h et vous pourrez découvrir l’exposition jusqu’au 22 décembre.
Mercredi 05.12.18, 18h - Visite guidée de l'exposition "Effacement(s)"
Télécharger le dossier de presse: ici
(1) Maurice Fréchuret, « Effacer - Paradoxe d’un geste artistique », Dijon: les presses du réel, 2018, p.31.
(2) Ibid, p.17.
(3) Ibid, p.146
(4) Georges Didi-Huberman, « Aperçues », Paris: Les Éditions de Minuit, 2018, p.17.