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Par le geste du dessin, Mathieu Dufois mène une fouille archéologique dans la mémoire individuelle et collective. La mémoire, qu’elle soit sensorielle, construite ou fragmentée bouillonne sous la surface de la conscience. Parfois trace d’un passé antérieur, ou même relevé d’un espace temps qui est autre, les images de l’artiste, traversent ainsi les dimensions.
Ce flou temporel est particulièrement développé dans la série «Al-Fayoum», que l’artiste réalise durant sa résidence en Egypte en 2018. Mathieu Dufois nous livre dans cette série une expérience du temps. L’artiste suit la trajectoire de l’ombre et de la lumière, dans une dimension qui ne semble exister qu’au moment où il l’immortalise à la pierre noire. Impossible de déterminer si le village de potiers est en état de ruines, de démolition ou au contraire en reconstruction.
Grand cinéphile, Mathieu Dufois nous emmène dans un univers où le spectateur et la spectatrice n’ont accès qu’à un fragment de la pellicule, un arrêt sur image. Ce qu’il s’y passe avant ou après, seul Mathieu Dufois le sait et finalement, cela n’a que peu d’importance.
L’action se trouve souvent au plus profond du noir des oeuvres de l’artiste, dans ce que l’on ne voit pas. Ces «Silhouettes», dévoilées dans l’ombre par la luminosité dramatique du clair-obscur, sont comme le fantôme d’une image qui nous habite, qui laisse une trace. A la fois présents et absents, ces vestiges d’un passé, même imaginé, nous hantent. Ces images dramatiques sont fragmentées dans leur composition même, c’est le cas pour «Lambeaux», dont la fracture se perçoit dans la matérialité même du dessin.
Cris et corps en mouvement, noir et blanc, scène au son muet, cadrade théâtral, zoom et projecteur, sont tous des éléments qui rappellent les codes du cinéma, et en particulier chez Mathieu Dufois, le film d’animation. Véritable «fabrique de l’image», l’oeuvre de l’artiste s’inspire du côté rudimentaire de cette esthétique pour imaginer ce qu’il aurait pu advenir si l’on poursuivait le genre sous une autre forme de création.
Ce que l’artiste appelle «la fabrique de l’image» se retranscrit également dans le rapport physique que Mathieu Dufois entretient avec le dessin, dépassant ainsi le cadre de l’oeuvre. Le papier n’est pas qu’un support mais le matériau qui transpose ses dessins en volume, à travers la sculpture et la maquette ou encore le film. Les dessins, en perpétuel mouvement et modulables, se transforment et acquièrent de nouveaux contours. Certaines des aquarelles présentées, à la base dessins d’ambiance, sont notamment utilisées dans la «Trilogie des Vestiges», films que l’artiste a produit entre 2012 et 2017. D’autres encore, permutées et modifiées sont réinterprétées dans des dessins à la pierre noire, au format bien plus grand.
L’image fixe devient ainsi mouvante, à l’image du souvenir qui évolue, se déteriore ou même devient flou avec le temps.
Nous rappelle-t-on de nos premières sensations ? La première chute, la première fois que l’on a vu la mer ? Dans la série «Liminal», le souvenir changeant émerge petit à petit. Entre abstraction et réalisme, l’artiste utilise l’eau comme symbolique de notre mémoire sensorielle. Celle-ci surgit d’abord par mouvements lointains, puis prend la forme d’une étincelle jusqu’à enfin acquérir une véritable consistance, matérialisée chez Mathieu Dufois par les nymphéas. La distinction entre conscience et inconscience devient floue, notre résidu sensoriel flottant sous la surface de l’épiderme.
L’oeuvre de Mathieu Dufois explore les temporalités et les dimensions pour donner à voir l’image d’une (in)conscience flottante du souvenir. Faisant appel à un bagage imaginaire de références collectives et individuelles, il livre par fragments et jeux de lumières l’action qui se déroule dans l’ombre. Cette fabrication d’une image mouvante révèle par là une manière d’approcher le dessin singulière qui porte le médium à transcender les catégories et les techniques pour acquérir ainsi une qualité protéiforme.
Jeudi 07.03.2024, de 18h à 20h - Vernissage
Mercredi 10.04.2024, à 18h - Visite guidée de l’exposition en partenariat avec la Société des Amis des Arts
Téléchargez le dossier de presse : ici
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Through the gesture of drawing, Mathieu Dufois conducts an archaeological dig into individual and collective memory. Memory, whether sensory, constructed or fragmented, bubbles beneath the surface of consciousness. Sometimes a trace of an earlier past, or even a record of a different space-time, the artist's images cut across dimensions.
This temporal blur is particularly developed in the
"Al-Fayoum" series, which the artist produced during his residency in Egypt in 2018. In this series, Mathieu Dufois delivers an experience of time. The artist follows the trajectory of light and shadow, in a dimension that only seems to exist when he immortalizes it in black stone. It's impossible to determine whether the potters' village is in a state of ruin, demolition or, on the contrary, reconstruction.
A great cinephile, Mathieu Dufois takes the viewer into a world where they have only access to a fragment of the film, a freeze frame. What happens before or after, only Mathieu Dufois knows, and in the end, it's of little importance. The action is often found deep in the black of the artist's works, in what we do not see. These "Silhouettes", revealed in the shadows by the dramatic luminosity of chiaroscuro, are like the ghost of an image that inhabits us, that leaves a trace. At once present and absent, these remnants of a past, however imagined, haunt us. These dramatic images are fragmented in their very composition, as is the case with "Lambeaux", whose fracture is perceived in the very materiality of the drawing.
Screams and bodies in motion, black and white, silent sound stage, theatrical framing, zoom and projector, are all elements reminiscent of the codes of cinema, and in Mathieu Dufois' case, animated film. A veritable "image factory", the artist's work draws on the rudimentary side of this aesthetic to imagine what might have happened if the genre had been pursued in a different creative form.
What the artist calls "the fabrication of the image" is also reflected in Mathieu Dufois' physical relationship with drawing, which goes beyond the framework of the artwork. Paper is not just a support, but the material that transposes his drawings into volume, through sculpture and model-making, or even film. The drawings, in perpetual movement and modularity, are transformed and take on new contours. Some of the watercolors on display, originally atmospheric drawings, are used in the "Vestiges Trilogy", films produced by the artist between 2012 and 2017. Others, swapped and modified, are reinterpreted in much larger black stone drawings.
In this way, the still image becomes a moving one, like a memory that evolves, deteriorates or even becomes blurred over time.
Do we remember our first sensations? The first fall, the first time we saw the sea? In the "Liminal" series, changing memories emerge bit by bit. Somewhere between abstraction and realism, the artist uses water as a symbol of our sensory memory. It first emerges in distant movements, then takes the form of a spark, until finally acquiring real consistency, materialized for Mathieu Dufois by the water lilies. The distinction between consciousness and unconsciousness becomes blurred, our sensory residue floating beneath the surface of the epidermis.
Mathieu Dufois' work explores temporalities and dimensions to reveal the image of a floating (in)consciousness of memory. Drawing on an imaginary baggage of collective and individual references, he uses fragments and lighting effects to convey the action taking place in the shadows. This creation of a moving image reveals a singular approach to drawing, one that transcends categories and techniques to acquire a protean quality.
Thursday 07.03.2024, 6-8pm - Opening
Wednesday 10.04.2024, 6pm - Guided tour of the exhibition in partnership with the Société des Amis des Arts
Download the press kit: here
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