Le corps devient paysage. Reflet du temps qui passe, il est le réceptacle des souvenirs, en perpétuel mouvement. Le corps se meut, maintient debout, marche, s’arrête, recommence et se répète. Dans ce sens, Jean-Christophe Norman entreprend de manière presque obsessionnelle et performative la représentation du paysage, et souvent du même paysage. Son corps travaille au geste répétitif, en mouvement, au gré des vagues pourrait-on dire, à la fois à la recollection du souvenir et à la création d’un espace imaginaire. Le paysage est autant le corps du travail de l’artiste que le corps est son outil de travail. Finalement, corps et paysage sont indissociables.
Cette géographie poétique prend une nouvelle dimension dans la série du «New York Times». Sur la beauté fascinante du paysage, se calquent les terribles actualités de la dernière année. La contemplation se charge d’une lourde signification. La beauté terrible de ces paysages, exacerbe la brutalité des nouvelles du quotidien. Jean-Christophe Norman nous donne à voir le sublime tout en nous forçant ainsi à lire les informations et à nous confronter à cette actualité, qui bien souvent est balayée un peu trop vite par les vagues. Flottant toujours entre imaginaire et réalité, Norman joue de cette frontière à travers les médiums. Le journal devient oeuvre d’art, ces nouvelles bien réelles par conséquent à jamais consacrées, se transforment et transcendent. Troublée et troublante, la mer, frappée d’orages, de tempête et frappée de bombes, devient l’image d’un paysage métaphorique et mental de l’artiste, peut-être un peu préoccupé, par notre paysage politique contemporain.
Les «1001 nuits», une deuxième version de l’oeuvre ici, est une installation monumentale de 324 pages d’une édition de 1826 que l’artiste a déniché dans une brocante. Nourri par ses nombreux voyages, parcourus et imaginaires, l’artiste a recouvert de paysages marins les pages du livre, les «Seascapes». Les 1001 nuits deviennent infinies, et le récit devient matière, comme le souligne l’artiste. La lecture visuelle de l’installation offre au spectateur 1001 manières d’approcher le paysage, en une balade contemplative et méditative qui invite à l’introspection.
Elias Njima donne lui aussi à voir un paysage mental, aux allures cette fois-ci surréalistes. Les peintures et les sculptures de l’artiste, sont remplies de personnages étranges aux regards cryptiques, figés dans une temporalité qui semble opérer un va-et-vient entre passé, présent et futur. Le corps se décompose chez Elias Njima et n’apparaît qu’en partie: un visage, une main, des pieds, il est partout dans son travail.
L’artiste capture des instants fugaces, des détails qui semblent provenir d’un souvenir. Mais à qui appartient cette mémoire et comment se construit-elle ? Elias Njima nous livre une certaine perception de la mémoire, parfois puisant dans l’inconscient, d’autre fois racontée ou même construite. Il parle de cette mémoire qui précède notre existence. Qu’est-ce qui mène à notre naissance ? A qui et à quoi doit-on toutes les situations, décisions et coïncidences qui se somment par notre venue au monde ? Elias Njima explore ces questions, à travers un récit intime qui nous est raconté qu’en partie. En effet, le hors-champs - ce qui se passe hors de l’espace de la toile - est bel et bien l’élément qui pousse l’artiste à créer. Njima joue avec le spectateur et la spectatrice, en gardant pour lui l’intimité d’une scène dont il est le seul à connaître tous les tenants et les aboutissants.
La question de la répétition est également centrale dans le travail de l’artiste : la peau d’orange, les mains, les fleurs, les champignons et les personnages se répètent et se répondent à travers les différentes toiles, en un récit que seul l’artiste est capable de nous raconter.
Jean-Christophe Norman et Elias Njima nous confrontent tous deux à un paysage représenté, métaphorique et mental, dont ils font l’expérience sensible. Au travers de récits intimes et répétitifs, le corps et le paysage s’entremêlent, à la fois signifié et signifiant, l’un devient l’extension de l’autre, jusqu’à ce que leurs limites se brouillent.
Jeudi 12.09.2024, de 18h à 20h - Vernissage
Mercredi 02.10.2024, à 18h - Visite guidée de l’exposition en partenariat avec la Société des Amis des Arts
Pour télécharger le de presse : ici
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The body becomes a landscape. Reflecting the passage of time, it is the receptacle of memories, in perpetual motion. The body moves, stands, walks, stops, starts again and repeats itself. In this sense, Jean-Christophe Norman undertakes an almost obsessive and performative representation of the landscape, and often of the same landscape. His body works through repetitive gesture, in motion, as the waves roll, one might say, both recollecting memories and creating an imaginary space. The landscape is as much the body of the artist's work as the body is his working tool. In the end, body and landscape are inseparable.
This poetic geography takes on a new dimension in the “New York Times” series. On the fascinating beauty of the landscape, the terrible news of the past year is set. Contemplation takes on a heavy meaning. The terrible beauty of these landscapes exacerbates the brutality of the daily news. Jean-Christophe Norman gives us a glimpse of the sublime, while forcing us to read the news and come to grips with current events, which are often swept away a little too quickly by the waves. Always floating between the imaginary and reality, Norman plays with this boundary through a variety of media. The diary becomes a work of art, and the real news is transformed and transcended. Troubled and unsettling, the sea, battered by storms, tempests and bombs, becomes the image of a metaphorical and mental landscape for the artist, perhaps a little preoccupied, by our contemporary political landscape.
The “1001 Nights”, a second version of the work here, is a monumental installation of 324 pages from an 1826 edition that the artist unearthed at a flea market. Nourished by his many travels and imaginations, the artist covered the pages of the book with seascapes. The 1001 nights become infinite, and the story becomes matter, as the artist points out. The visual reading of the installation offers the viewer 1001 ways of approaching the landscape, in a contemplative and meditative stroll that invites introspection.
Elias Njima also presents a mental landscape, this time with a surrealist feel. The artist's paintings and sculptures are full of strange characters with cryptic looks, frozen in a temporality that seems to move back and forth between past, present and future. In Elias Njima's work, the body decomposes and appears only in part: a face, a hand, feet - it's everywhere.
The artist captures fleeting moments, details that seem to come from a memory. But to whom does this memory belong, and how is it constructed? Elias Njima gives us a certain perception of memory, sometimes drawing on the unconscious, other times recounted or even constructed. He talks about the memory that precedes our existence. What leads up to our birth? To whom and to what do we owe all the situations, decisions and coincidences that sum up our coming into the world? Elias Njima explores these questions through an intimate narrative that is only partly told. Indeed, the off-camera - what happens outside the space of the canvas - is what drives the artist to create. Njima plays with the viewer, keeping to himself the intimacy of a scene whose ins and outs only he knows.
The question of repetition is also central to the artist's work: orange peel, hands, flowers, mushrooms and characters repeat and respond to each other across the various canvases, in a narrative that only the artist is capable of telling us.
Jean-Christophe Norman and Elias Njima both confront us with a represented landscape, metaphorical and mental, which they experience sensitively. Through intimate, repetitive narratives, body and landscape become intertwined, both signified and signifier, one becoming an extension of the other, until their boundaries blur.
Thursday 12.09.2024, 6-8pm - Opening
Wednesday 02.10.2024, 6pm - Guided tour of the exhibition in partnership with the Société des Amis des Arts
To download the press kit : here
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